A chaque scrutin, son lot de vainqueurs et de perdants. Pour la présidentielle de 2024, les vainqueurs sont plus les organisations que les hommes.
Après l’élection de Bassirou Diomaye Faye dès le premier tour, l’heure est venue de tirer un bilan provisoire sur le scrutin et le processus électoral. Après les perdants, c’est le moment de s’intéresser aux gagnants de cette élection.
Sénégal, la voie (x) de la sagesse
Le premier sur la liste est sans conteste le Sénégal et son peuple. Le pays a vécu un moment d’incertitudes grave après l’interruption du processus électoral par le président Macky Sall et sa tentative de faire reprendre le processus électoral.
Certains pays ont sombré dans le chaos et la violence pour moins que ça. Beaucoup s’attendaient à ce que le Sénégal connaisse une crise majeure. Certains faisaient appel à l’armée, d’autres faisaient allusion à des forces organisées qui pourraient profiter du chaos. Le peuple a connu des moments d’inquiétude, de doute, d’interrogations. L’économie était presque à l’arrêt du fait des incertitudes qui planaient sur la tenue ou non de l’élection.
Mais au finish, le Sénégal a organisé le scrutin le dimanche, et le lendemain, les Sénégalais se sont rendus au travail. Le peuple sénégalais qui aspirait à un changement a pris les choses en main, jusque dans les coins les plus reculés du pays. Et heureusement pour lui, il n’y a eu aucune tentative de remettre en cause la volonté populaire. Les voix de la sagesse ont prévalu.
Pastef, la réhabilitation par le peuple
L’autre vainqueur, le plus visible d’ailleurs, est le parti Pastef. Ousmane Sonko et son parti ont été victimes de la violence d’Etat dans le but de les écarter de la présidentielle. La formation politique a vu sa marge de manœuvre se réduire progressivement. Par la suite, le pouvoir de Macky Sall est passé à la grande offensive, d’abord en emprisonnant des centaines voire des milliers de militants. Ensuite, en mettant derrière les barreaux les principaux animateurs : Ousmane Sonko, Bassirou Diomaye Faye, Birame Souley Diop. D’autres se sont retrouvés en exil ou en bracelet électronique. Après l’affaiblissement, le coup de grâce avec la dissolution du parti. Bye bye Pastef !
Mais c’était sans compter la volonté populaire favorable à Sonko et Cie. Ce parti présenté comme un danger pour le Sénégal a été réhabilité par le peuple le 24 mars dernier. Les électeurs ont montré que la dissolution de Pastef n’est pas conforme à l’aspiration populaire, c’était plutôt un abus de pouvoir. Adoubé par le peuple, l’ex-Pastef retrouve sa dignité, sa pleine légitimité et sans doute bientôt la légalité.
Pds, du bon côté de l’histoire
L’autre vainqueur du scrutin est le Parti démocratique sénégalais (PDS) qui avait décidé de soutenir Diomaye à la dernière minute. Pourtant, au vu des résultats, il est difficile de dire que l’apport du Pds est décisif. Le parti n’a même pas battu campagne. C’est donc plus l’aspiration du peuple au changement qui s’est exprimé. Mais peu importe, on dira toujours que le Pds a participé à la victoire de Bassirou Diomaye Faye. En fait, le parti de Wade a eu le mérite de se situer du bon côté de l’histoire. Tout le contraire de l’Urd de Djibo Ka en 2000. Le Pds avait pourtant joué les mauvais rôles en accusant les juges de corruption dans un premier temps et en saisissant par la suite la Cour suprême pour annuler le décret portant convocation du collège électoral. Mais tous ces péchés semblent être absous par le soutien à Pastef. Personne n’en parle plus.
Les petits poucets
On peut ajouter à la liste des vainqueurs les petits poucets de la présidentielle. Il s’agit de la révélation Anta Babacar Ngom, de Pape Djibril Fall qui devrait conforter sa position, surtout dans l’opposition et Serigne Mboup qui continue à tisser sa toile en se positionnant comme le représentant des daaras et du monde de l’entreprise.
Conseil constitutionnel, la dignité retrouvée
Parmi les vainqueurs de cette élection, il y a aussi le conseil constitutionnel. Le conseil est passé presque de zéro à héros. Auparavant, les 7 sages étaient fortement décriés. Le Conseil était vu comme l’institution incompétente par définition, puisqu’il se déclarait toujours incompétent. Cette fois-ci, les sages ont pris la mesure du contexte, ils ont aidé le Sénégal à éviter une crise. Aujourd’hui, le Conseil constitutionnel est une juridiction respectée, admirée à la limite.
Administration électorale, la preuve de la fiabilité
Au même titre que le Conseil, l’administration électorale aussi sort renforcée de ce scrutin. Certes, il y a eu en amont les maladresses de Tanor Thiendella Fall qui a refusé de donner à Ousmane Sonko ses fiches de parrainages. Mais hormis cet épisode, la DGE a été quasi irréprochable. L’organisation a été bien faite en dépit de quelques manquements comme le cas Keur Massar, la disponibilité du fichier à temps, la distribution des cartes. Idem pour la Céna. Cette élection de Diomaye au premier tour devrait convaincre les plus sceptiques sur la transparence et la fiabilité des élections au Sénégal.