S’acquitter de la fiscalité doit devenir un automatisme voire un instinct moral mais faire de la fiscalité discriminatoire, c’est faire tout sauf de la bonne gouvernance. Il faut travailler pour que le payement de la fiscalité devienne une morale pour toute entreprise et pour toute source de revenus.
On ne peut pas tirer des richesses sur un sol où vivent des millions de pauvres, exploiter les ressources d’un pays que l’on partage avec des millions d’âmes et rechigner à payer l’impôt. Il faut donc s’employer à faire intérioriser à chaque sénégalais et à tous les étrangers opérant dans notre pays que l’impôt est une participation à la construction d’un pays.
Art, école, Universités, religion, politique, etc. doivent être mobilisés pour propager l’idée de la nécessité de s’acquitter de l’impôt comme d’un devoir moral et civique. Cependant l’impôt ne saurait être un épouvantail politique ou une arme de dissuasion.
C’est ce qu’on appelle appeler à bonne gouvernance par la mal gouvernance. La bonne gouvernance ne peut pas être un moyen ou un instrument pour mener une politique punitive ou revancharde. Etouffer des entreprises par la fiscalité ne peut être une politique, c’est une absurdité.
Il faut plutôt une politique incitative pour élargir l’assiette fiscale et en même temps pousser les gens à payer volontairement l’impôt. Les citoyens ont par ailleurs besoin de savoir ce que représente l’impôt dû par les entreprises de presse sur la masse des impôts non recouvrés.
C’est une question de transparence : sans transparence il n’y a pas d’équité et sans équité, il y a injustice. Le premier acte de bonne gouvernance dans un pays démocratique, c’est l’accès des citoyens à l’information, or l’information n’est crédible que si elle peut être réfutée dans un système de pluralité des sources et des moyens de traitement.
L’opacité est le terreau fertile de tous les actes de mal gouvernance. Dans tous pays du monde il y a un débat sur la fiscalité, mais ce qui se passe au Sénégal est tout sauf un débat : on a plutôt droit à de la surenchère politique et médiatique pour instrumentaliser l’impôt.
Le payeur qui ne s’acquitte pas de ses obligations fiscales pour diverses raisons, n’a pas intérêt à ce que les termes du débat soient clairement définis et que l’aspect technique soit abordé dans un esprit objectif. Le recouvreur (en l’occurrence l’Etat) fait à son tour de la manipulation et des intrigues pour fermer la bouche aux grandes gueules de la presse.
Nous devons rester d’ailleurs vigilants, car notre démocratie est en train de subir l’OPA des inspecteurs des Impôts et Domaines sur les affaires politiques. Tôt ou tard, la question du droit des membres de ce corps de faire la politique va se poser. Cette question pourrait même devenir une urgence à la fois pour la survie de la démocratie et pour la bonne gouvernance. La pression, la propagande, le chantage, l’enrôlement indirect, la corruption déguisée en vertu fiscale, le trucage et la manipulation sont de potentiels pièges pour notre démocratie et notre désir de bonne gouvernance.
Le médecin bactériologiste connaît bien le pouvoir pathogène des bactéries et, il pourrait s’en servir pour assouvir un instinct de malfaisance. Il faut que les Sénégalais soient plus circonspects, car quand les joutes politiques se servent de la fiscalité ou l’inverse, c’est le peuple qui en pâtit.
Alassane K. KITANE